• Pourquoi de nombreux "mariages parfaits" ne tiennent pas leurs
promesses
Un nombre significatif de fusions et acquisitions détruisent de la
valeur et de nombreux "mariages parfaits" ne tiennent pas leurs
promesses. Lisez ici, quelles sont les 10 erreurs à ne pas commettre
dans les opérations M&A transfrontières.
1. Se lancer sans une définition claire des objectifs stratégiques d’une opération
Un projet de fusion-acquisition ne peut fonctionner que s’il y a accord
stratégique entre les acteurs. Cette affirmation est simple – mais
combien d’opérations n’ont pas été entreprises en l’absence d’une
véritable stratégie de croissance externe. Pour s’assurer qu’une cible
conviendra parfaitement aux plans de l’acheteur, celui-ci devra
consacrer du temps à la phase de sélection. Puis viendra la phase de
"séduction" entre les managements, qui devra se placer dans une optique
de dynamique relationnelle – le fameux meeting of minds. L’objectif est
d’arriver à définir ensemble un véritable projet fondateur pour
l’opération. Un projet fondateur qui devra répondre en tous points aux
objectifs stratégiques des acteurs.
2. Poursuivre une transaction sans un juste équilibre entre les efforts
consentis en termes de ressources et la probabilité de succès de
l’opération
Si un processus de fusion-acquisition est un processus hautement
stratégique, il l’est également de part les efforts à consentir en
termes de ressources. Il faut compter plusieurs mois d’attention
intensive sur un dossier. Souvent ce sont les directions
opérationnelles qui sont directement en charge des négociations. Le
risque est grand de perdre le focus sur le day-to-day business. Garder
la mainmise du processus d’acquisition ne doit pas se faire au
détriment de la gestion des opérations.
3. Valoriser une opération sans garder une stricte discipline analytique
Arriver à déterminer un prix pour une affaire peut paraître la partie
la plus difficile du processus. Pas nécessairement. Un bon prix est une
conséquence d’un bon dossier et d’un bon business plan; le prix devient
un aboutissement et non pas une finalité. L’acheteur devra veiller à se
tenir au respect de ses critères d’acquisition; sinon il prendra
clairement des risques. Si un dossier est présenté comme "stratégique"
lors d’une approbation en conseil - parce que les critères financiers
ne sont pas remplis – il vaudra mieux se souvenir que la discipline
analytique est la mère de tous les conseils.
4. Surestimer le potentiel d’une opération et les synergies escomptées
Trois années de profits valent mieux que trois années de business plan.
La qualité d’un dossier est autant comprise dans les performances
historiques de la cible que dans l’estimation des pourcentages de
croissance future des résultats. Attention à la tentation de surestimer
les synergies. Dans un nouveau marché, penser à la masse critique
nécessaire face à la concurrence: une arrivée dans un nouveau marché en
toute autonomie (greenfield market entry) n’est pas conseillée.
Enfin et surtout, une acquisition d’entreprise est avant tout une
acquisition de managers. Face à une problématique de transmission, la
question de la pérennité du management devient la première des
questions à résoudre.
5. Eviter d’agir dans l’urgence et sous la pression des concurrents et des évènements
Une transaction de fusion-acquisition se doit d’être une opération
planifiée, avec un timing précis. Bien connaître la valeur de son
entreprise permet de répondre avec recul à des approches venant
d’acheteurs potentiels. Et bien connaître les particularités d’un
terrain étranger, permet d’adapter et de décrypter le langage d’un
futur partenaire. Quand une transaction est engagée, il ne faudra pas
confondre vitesse et précipitation. Un solide planning est aussi
important qu’une bonne rapidité d’exécution. Et ce n’est pas
nécessairement parce que le principal concurrent s’intéresse à une
cible qu’il faut surenchérir. Eviter l’entrée dans une mise aux
enchères (auctioned sales process).
6. Executer une opération sans une démarche rigoureuse durant les phases du processus
Une transaction de fusion-acquisition est une opération de croissance
externe qui nécessite une validation rigoureuse de sa pertinence et de
sa fiabilité. Si les motivations peuvent être multiples (intégration
verticale, diversification, développement international,
restructuration) la méthodologie n’en demeure pas moins un processus
structurée. Chaque phase nécessite des compétences particulières.
Certaines transactions complexes nécessitent des autorisations
gouvernementales, d’autres induisent des responsabilités particulières
(produit, environnement, éthique), d’autres devront faire l’objet d’une
communication financière particulière. Penser qu’après le closing,
commencera le processus de l’administration des contrats passés, celui
de la gestion des engagements passés et celui du Reporting (financier
et opérationnel) de la nouvelle entité. Le devenir d’une opération doit
être piloté.
7. Omettre de structurer la transaction en fonction de l’identité et de la personnalité de la cible
C’est pendant la phase de transaction que tout doit être négocié (et
dit). Bien structurer un deal est primordial pour l’atteinte des
objectifs stratégiques de l’opération. En France par exemple, offrir un
complément de prix (earn-out) sera plus souvent approprié pour motiver
les managers à continuer à s’investir dans l’entreprise. En Allemagne,
il sera préférable de proposer une participation minoritaire aux
managers, toujours pour les mêmes raisons de motivation. Dans certaines
opérations mieux vaut n’envisager que l’acquisition des actifs (asset
deal) ce qui évitera un accord parfois difficile sur des garanties de
passif. Enfin il est toujours préférable qu’une lettre d’intention soit
aussi détaillée que possible : le travail des juristes n’en sera que
facilité.
8. Economiser la réalisation d’une due diligence approfondie
Le meilleur Sales Memorandum ne peut remplacer une analyse détaillée
des comptes et des bilans de la cible. Pour éviter des surprises lors
de cette phase de due diligence, l’acheteur pourra déjà mener une
analyse rigoureuse lors de la phase de planning. Mais rien ne
remplacera la due diligence, avec son dataroom. Une étape qu’il
conviendra de bien préparer, en utilisant une check-list extensive pour
les documents à réclamer à la cible. Une legal due diligence est
également un must. Mais combien sont les acheteurs qui pensent à
inclure un audit culturel?
9. Penser que l’intégration managériale et culturelle de la nouvelle entité n’interviendra qu’après la signature des contrats
Un projet de fusion-acquisition ne vaut que par la réalisation de ses
objectifs en phase d’intégration. Très tôt, il faut envisager la
gestion du regroupement d’entités de culturelles différentes. Penser à
anticiper, en sélectionnant très tôt les futurs dirigeants, en
définissant le nouvel organigramme, en créant des équipes d’intégration
outillées et en engageant un dialogue avec les partenaires sociaux,
afin de surmonter les peurs qui prédominent dans les fusions. La
communication interne devra faire preuve de la plus grande transparence
possible. Il ne faudra jamais se réjouir d’un succès trop vite. Toute
fusion ou acquisition est un parcours difficile et semé d’embûches. On
ne peut réussir une fusion ou une acquisition que si l’on prend le
temps de comprendre la cohérence avec l’autre culture.
10. Occulter le financement complet de l’opération
Le financement n’est pas une autre phase du processus d’un projet de
fusion-acquisition : il en est la condition sine qua non. Si les
investisseurs stratégiques sont moins présents dans le marché des
M&A actuellement, c’est parce qu’ils ont d’autres priorités pour
leurs financements. Si les investisseurs financiers sont autant
présents dans le marché des M&A actuellement, c’est parce que c’est
leur métier, et parce qu’ils prennent là le relais des industriels. Un
acheteur industriel a plusieurs options, dont le règlement en actions,
le règlement en titres obligataires non côtés, le règlement en espèces,
avec ou sans recours à un emprunt bancaire. La sélection d’un
financement, une conversion de devises, le recours à des investisseurs
en capitaux, l’identification de fonds d’investissement, une levée de
fonds, sont autant de facteurs à planifier en amont d’un projet de
fusion-acquisition. Car le jour du closing, le financement devra être
prêt.
Note: le présent dossier, conçu et rédigé par Christian Lenz, a été
publié initialement par le cabinet d'audit Coffra dans sa lettre d'information
"Diagnostic" de novembre 2003.
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